L’histoire du cidre en Bretagne

Le cidre est l’une des boissons les plus iconiques de Bretagne. Produit depuis des siècles, il incarne à lui seul un pan de l’histoire bretonne

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Publié le 8 décembre 2025- Samuel Duransseau
 
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Le cidre (”chistr” ou “sistr” en breton) est devenu une boisson emblématique de la Bretagne, mais son histoire régionale est le résultat de plusieurs siècles d’introductions de pommiers, de perfectionnement des techniques et de changements sociaux.
 

Le cidre breton : fabrication et caractéristiques

Le cidre breton est une boisson fermentée élaborée à partir de pommes à cidre cultivées en Bretagne. Cette boisson emblématique, connue sous le nom de "chistr" ou "sistr" en breton, représente un héritage culturel important de la région.

Processus de fabrication

  1. Récolte : Les pommes sont ramassées sur le sol des vergers, généralement entre septembre et décembre.
  1. Lavage et broyage : Les fruits sont soigneusement lavés puis broyés pour obtenir une pulpe appelée "marc".
  1. Pressurage : Le marc est ensuite pressé pour en extraire le jus, appelé "moût".
  1. Fermentation : Le moût est mis à fermenter, soit naturellement grâce aux levures présentes sur les peaux des pommes, soit avec l'ajout de levures sélectionnées. Cette étape dure généralement de 1 à 3 mois.
  1. Soutirage : Le cidre est séparé des lies (dépôts de levures).
  1. Maturation : Le cidre est laissé à maturer pour développer ses arômes.
  1. Mise en bouteille : Souvent avec une prise de mousse naturelle qui lui donne son effervescence caractéristique.

Caractéristiques des différents types de cidre

  • Cidre brut :
    • Teneur en sucre résiduel inférieure à 28 g/l
    • Degré d'alcool entre 4,5° et 5,5°
    • Goût franc et peu sucré, avec des notes amères et tanniques prononcées
  • Cidre demi-sec :
    • Teneur en sucre résiduel entre 28 et 42 g/l
    • Degré d'alcool entre 3° et 4,5°
    • Équilibre entre douceur et acidité, avec une légère amertume
  • Cidre doux :
    • Teneur en sucre résiduel supérieure à 42 g/l
    • Degré d'alcool entre 2° et 3°
    • Goût fruité et sucré, acidité faible
 
Le cidre breton se distingue souvent par sa couleur dorée à ambrée, son effervescence naturelle et ses arômes complexes où se mêlent notes fruitées, florales et parfois boisées. Les producteurs bretons utilisent fréquemment des variétés de pommes locales qui confèrent au cidre son caractère unique et son ancrage territorial, reconnu aujourd'hui par l'IGP "Cidre de Bretagne" et l'AOP "Cornouaille" pour certaines productions.
 

Origines et arrivée en Bretagne

La boisson fermentée à base de pommes existe dès l’Antiquité sous forme de « vin de pomme », mais ce n’est qu’au Moyen Âge que la cidrerie se structure vraiment en Europe de l’Ouest notamment Bretagne.
Pourtant la Bretagne n’est pas la première région identifiée à produire du cidre . En France, les premières grandes zones cidricoles se situeraient plutôt en Pays basque, en Normandie et autour de l’actuelle Allemagne, le cidre ne gagnant la façade atlantique nord qu’au fil des échanges maritimes médiévaux.
En Bretagne, la production de boissons fermentées à base de pommes est attestée dès le haut Moyen Âge, autour du VIIIᵉ siècle, mais reste alors modeste.
Le véritable tournant se produit aux XIᵉ‑XIIᵉ siècles, notamment grâce à l’influence de l’Abbaye de Landévennec, dont les moines auraient missionné des marins bretons afin qu’ils importent d’Espagne des greffons de pommiers produisant des variétés de pommes amères et riches en tanins, propices à la production de cidre.
 

Rôle des moines et des marins

Les abbayes bretonnes jouent alors un rôle important dans la diffusion des vergers : ils expérimentent la culture des pommiers et améliorent les variétés en greffant des pommiers espagnols sur des souches locales pour obtenir de meilleurs cidres.
Dans ce contexte, le cidre s’impose progressivement comme alternative à la bière et au vin, d’autant que le climat océanique breton est peu favorable à la vigne mais très propice aux pommiers. Le breton adopte le mot sistr pour désigner le cidre dès le XVe siècle, signe que la boisson est alors bien installée dans les usages locaux.
 
Photo de bretons se rafraichissant autour d’un tonneau de cidre

Apogée aux XIXᵉ‑XXᵉ siècles

La consommation de cidre en Bretagne atteint un sommet entre la seconde moitié du XIXᵉ siècle et la Seconde Guerre mondiale, période durant laquelle le cidre devient la boisson quotidienne dans les campagnes comme dans les villes, alternative plus rafraichissante et raisonnable à l’historique lambig.
Dans certaines villes comme Rennes ou Fougères, les sources indiquent des consommations de plusieurs centaines de litres par habitant et par an au XIXᵉ‑début XXᵉ siècle, ce qui montre le poids du cidre dans l’alimentation et l’hydratation (l’eau potable étant peu sûre).
 
Extrait de "Alcoolisation et comportements alcooliques en Bretagne au XIXe siècle” par Thierry Fillaut - 1983
Extrait de "Alcoolisation et comportements alcooliques en Bretagne au XIXe siècle” par Thierry Fillaut - 1983
À la fin du XIXᵉ siècle, les crises de la vigne (oïdium, mildiou, phylloxéra) favorisent encore le cidre, qui devient aussi un produit bourgeois et spéculatif en plus de sa fonction paysanne.
Parallèlement, l’amélioration des techniques agricoles, la sélection variétale (par exemple la « pomologie du Finistère » de 1905) et le développement de vergers spécialisés font de la Bretagne l’une des premières régions cidricoles de France au début du XXᵉ siècle.

Recul, renouveau et statut actuel

Au XXᵉ siècle, la consommation de cidre recule avec l’urbanisation, la concurrence de la bière et du vin et l’évolution des modes de vie, ce qui entraîne l’arrachage d’une partie des vergers traditionnels.
Pour autant, la Bretagne reste l'une des principales régions productrices de cidre en France, avec environ 40% de la production nationale.
Chaque année, la région produit plus de 100 000 hectolitres de cidre, dont près de 15 000 hectolitres sous IGP "Cidre de Bretagne" et environ 2 500 hectolitres sous AOP "Cornouaille".
Les vergers cidricoles bretons s'étendent sur plus de 8 000 hectares, principalement dans les départements du Finistère, des Côtes-d'Armor et d'Ille-et-Vilaine.
 
Néanmoins la consommation a considérablement diminué depuis son apogée historique (prétendument jusqu’à 460 litres annuels en Ille-et-Vilaine en 1900). La consommation de cidre moyenne en Bretagne est d'environ 15 litres par habitant et par an, soit pratiquement 10 fois plus que la moyenne nationale (1,6 litres).
Le marché français du cidre représente environ 1 million d'hectolitres annuels, dont plus de la moitié est consommée en Bretagne et en Normandie.
 
Aujourd’hui, “Cidre de Bretagne ou Cidre breton” constitue une indication géographique protégée (IGP), qui encadre l’aire de production, les variétés de pommes utilisées et certaines pratiques de fabrication, renforçant son statut de produit identitaire et patrimonial. Cette reconnaissance, étendue à l’ensemble de la région, formalise l’intégration du cidre en tant de produit intégré de la Bretagne et récompense sa qualité.
Seconde consécration, une AOP “Cornouaille” a été attribuée à une quarantaine de communes du sud Finistère, présentent dans la région historique Cornouaille, et reconnaît et encadre la production cidricole locale.
 

Route du cidre

Afin de découvrir de manière ludique l’histoire derrière chaque exploitation qui produit aujourd’hui ce cidre Cornouaille, un itinéraire sobrement appelé “La route du cidre” (”hent ar sistr” en breton) a été imaginé. Il permet, grâce à une succession d’itinéraires pédestres de rejoindre chaque cidrerie partenaire et déguster
 
 
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Sources
  • “Alcoolisation et comportements alcooliques en Bretagne au XIXe siècle”, Thierry Fillaut
 
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